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André Mornet, procureur de la mort

Jean-François Bouchard, éd. Glyphe, 2020, 220 p,, 18 €

Les chefs d’État passant en justice ont une histoire, mais leurs juges aussi ! Ancien haut-fonctionnaire, Jean-François Bouchard a publié une biographie saisissante du procureur André Mornet (1870-1955), connu pour avoir requis et obtenu les condamnations à mort du maréchal Pétain (août 1945) et de Pierre Laval (octobre 1945), mais dont les états de services ne se limitent pas à cela ! 

Petit homme sec, végétarien et buveur d’eau, marié sans enfant, Mornet fut, durant toute sa carrière, un procureur carriériste et impitoyable, requérant –très souvent avec succès- la mort envers de nombreux déserteurs de la Grande guerre, ou des personnages comme Mata-Hari et Bolo Pacha. Mornet tiendra à assister à chacune des exécutions de ses victimes… Une « brute sanguinaire », comme le qualifiera l’avocat Maurice Garçon.

Avocat général près la Cour de cassation -le plus haut poste de « parquetier » en France-, il quitte ses fonctions, atteint par la limite d’âge, en janvier 1940, mais reprend du service en septembre, en qualité de vice-président de la commission pour la révision des naturalisations, où il se montre intraitable sur le cas des Juifs. Volontaire pour participer au procès de Riom, il aura la chance de voir sa candidature non retenue… Sentant le vent tourner, Mornet anime, )à partir de l’été 1943, un « comité national judiciaire », rassemblant des magistrats résistants soucieux de rebâtir l’institution judiciaire sur des bases nouvelles. Après la Libération, le Général de Gaulle cherche une personnalité « incontestée » pour la fonction de procureur général près la Haute-Cour de Justice. André Mornet s’impose d’autant mieux qu’il n’a pas eu à prêter le serment au maréchal Pétain, qui n’était alors demandé qu’aux magistrats en activité… Publié en 1949, son livre de souvenirs Quatre ans à rayer de notre histoire est un tissu de mensonges destiné à s’auto-justifier. Soyons reconnaissant à Jean-François Bouchard d’avoir présenté, en pleine lumière, ce personnage qui s’apparente à Robespierre et à Fouquier-Tinville.

Didier Béoutis